Apprendre à observer le potentiel de situation
Vous avez été nombreux à répondre à nos 8 questions - il est encore temps si vous voulez faire le test - pour identifier sa posture et son action dans les situations professionnelles difficiles, qui sont fréquemment travaillées en coaching. Dans ces contextes-là, l’approche de l'art d'agir sans effort se révèle très pertinente. Notamment dans la perspective d'attendre le meilleur moment que les taoïstes appellent le xingshi 形势 pour que mon agir ait le plus d'impact en me faisant dépenser le moins d'énergie possible. xingshi évoque le moment où le potentiel de transformation d'une relation est le plus favorable pour l'atteinte de mes objectifs.
Voici les résultat de notre enquête :
1. Si une personne de mon environnement professionnel ne reconnaît pas leur légitimité/leur autorité, 40% des répondants vont lui poser des questions pour comprendre son point de vue et valoriser ses idées et 35% préfèrent attendre une occasion plus propice pour reprendre le leadership.
C’est plutôt l’approche non conflictuelle, économe en énergie qui l’emporte, comme le préconise le taoïsme. Mais Lazzi s’étonnait pourtant : “le mou vainc le dur, le faible vainc le fort, nul ne l’ignore, mais qui le pratique?'“
2. Si une personne dans l'équipe ne fait pas son travail, 35% des répondants vont recadrer cette personne (en espérant qu'elle ne les accuse pas de harcèlement) et 30% vont faire le travail à sa place, pour compenser et garantir le succès du projet.
Dans cette situation, une réaction volontariste, confrontante ou en mode “sauveur” est préférée. Confronter est valorisé dans notre culture: c’est le fameux “courage managérial” dont on ne rebat les oreilles. Cela fonctionne parfois, mais par partout. Et surtout pas dans le public où cette posture peut d’avérer totalement contre-productive, générer du retrait voire une accusation de harcèlement moral
Le sauveur finit toujours par devenir persécuteur puis victime (cf le triangle dramatique de Karpman). L’art d’agir comme l’eau recommanderait plutôt l’option de laisser cette personne assumer la responsabilité de l'échec, en avertissant les autres membres du projet pour qu’ils soient rassurés sur le fait que le/la manager a une stratégie et ne se défausse pas sur eux.
3. S’ils veulent absolument réussir une présentation/un RDV, 30% des répondants vont se sur-préparer, stresser, mal dormir car ils se mettent une pression forte. Et cela commence tôt dans la vie, ma fille de 10 ans qui est CM1 veut absolument obtenir l’appréciation “dépasse les attentes” dans son bulletin. Pour cela, elle étudie en avance le programme de maths du CM2. Je lui raconte, pour la détendre et la faire rire, que certains de mes clients ont gardé leur angoisse d’enfant jusqu’à aujourd’hui, et qu’elle ferait mieux de s’en débarrasser au plus vite sinon elle fera un coaching plus tard.
Heureusement, 30% des répondants ont trouvé une autre stratégie moins énergivore: co-construire la présentation à deux avec une personne de confiance. L’alliance, le fait de s’appuyer pour l’autre pour partager la responsabilité et l’anxiété est une belle déclinaison de l’art d’agir comme l’eau. La présentation n’en sera que plus riche, diverse, complète, le RDV important sera bien préparé et la pression répartie sur deux personnes.
4. S’ils n'arrivent pas à prendre leur place, 40% vont oser oser en parler à la personne qui (inconsciemment...) ne leur laisse pas prendre leur place. Courageux, mais peut-être précipité…. L’approche de l’agir sans effort propose de prendre le temps de mettre la personne “usurpatrice” en confiance avant de reprendre progressivement sa place. Devenir son allié plutôt que son/sa rival.e va transformer la relation pour le bénéfice de chacun.e.
5. S’ils 'arrivent pas à mobiliser, embarquer le collectif vers l'objectif, 40% des répondants vont exposer leurs doutes au collectif et demander aux équipiers ce qui les démotive. 35% vont plutôt mettre la pression en évoquant les risques de ne pas avancer. La première approche invoque la co-responsabilité de chacun dans la réussite du projet, et en ouvrant un espace de dialogue, peut transformer une situation frustrante en une opportunité de recréer de la confiance. Cela suppose d’avoir appris à accueillir les feedbacks sans se justifier et d’oser aller avec le courant.
6. Si quelqu'un est agressif dans le groupe, 50% des répondants veulent lui exprimer calmement que son agressivité nuit au collectif. Mais cette personne ne pourra peut-être pas l’entendre justement puisqu’elle ne se sent pas en sécurité pour baisser les armes. Il paraît plus prudent de l’apprivoiser doucement et de la surprendre en accueillant/absorbant les coups sans les contrer, déstabilisée l’agresseur va changer de posture (technique bien connue des arts martiaux internes).
7. S’ils veulent qu'une personne prenne sa place/assume son leadership, 50% des répondants sont prêts à expliciter leurs attentes en terme de posture et de comportement, avec des indicateurs mesurables. C’est en effet essentiel de poser un cadre clair et sécurisant pour que la personne puisse prendre sa place. 35% des répondants adoptent tout de suite une posture économe en énergie : “réduire mes initiatives, mon temps de parole en réunion et observer son comportement”. Cette expérimentation permettra ensuite de partager du feedback avec la personne et de mesurer les progrès accomplis, d’ajuster la relation aussi pour voir si ce degré d’autonomie est apprécié ou pas.
8. S’ils voient un collègue qui leur semble avoir du mal à faire son travail, 65% des répondants vont oser lui dire : “j'ai observé ta difficulté, as-tu envie d'en parler?”. Voilà une réaction bienveillante sans complaisance ni jugement. Elle ouvre la possibilité d’un échange de qualité et d’un renforcement de l’alliance, condition et résultat de l’agir sans effort. Pour autant, le langage non-verbal est parfois encore plus puissant: un regard soutenant, un sourire doux peuvent aussi bien exprimer cette qualité d’attention à l’autre qui lui ouvre un espace de confiance.
Attendre le bon moment n’est pas enseigné dans les techniques de management ou de communication, c’est pourtant aussi important que de savoir faire un feedback engageant et engagé.
Les Chinois appellent wuxing 悟性 cette capacité décoder, dans la relation, le bon moment xingshi où le potentiel de transformation est le plus élevé pour créer quelque chose de nouveau.